Skip to main content

Chaque année, je rencontre des parents alarmés par les difficultés des élèves en orthographe. Ils se sentent impuissants face aux lacunes accumulées par leurs enfants. Inquiets, ils me demandent des conseils et veulent savoir comment les aider. Malheureusement, je me sens tout aussi dépassé qu’eux et je n’ai pas de baguette magique. Souvent, les élèves connaissent les règles d’orthographe mais ne les appliquent pas. Lorsqu’on leur demande de relire leur dictée, ils sont perdus et ne comprennent pas vraiment ce qu’on attend d’eux. Il faudrait donc apprendre à relire sa dictée, à se poser des questions d’orthographe.

1. Apprendre l’orthographe : une dictée par semaine

L’activité est chronophage mais nécessaire. L’orthographe est un sésame, surtout pour les enfants issus de milieux populaires. Montre-moi comment tu écris et je te dirai d’où tu viens…

Par ailleurs, la réforme du D.N.B. a redonné une place très importante à la maîtrise de la langue.

J’ai donc décidé de consacrer une demi-heure hebdomadaire à la dictée. Au début, mes élèves ont accueilli sans entrain cette activité. Mais, peu à peu, ils y ont pris goût et, lorsque je voulais faire l’impasse, ils me la réclamaient ! La force du rituel…

Néanmoins, je n’ai pas vraiment constaté de progrès. Bien que sérieux et ayant à cœur d’améliorer leur orthographe, pendant la phase de relecture, les élèves restaient pour la plupart impassibles devant leurs dictées. Quelles modifications devaient-ils apporter ? Quelles questions se poser ? Ils ne savaient pas par où commencer et avaient besoin d’apprendre à relire leurs dictées.

2. Mémo : apprendre à se relire

Elève qui doit relire sa dictée.

Apprendre à relire sa dictée en développant des automatismes grâce au travail collaboratif.

En début d’année, nous avions pourtant construit ensemble une fiche mémo intitulée « apprendre à relire sa dictée ».

Nous y avions consigné les principales règles de grammaire qui permettent de se relire. Les élèves commettent en effet généralement toujours les mêmes erreurs :

  • l’oubli de l’accord au sein du groupe nominal
  • un mauvais accord entre le sujet et le verbe
  • la confusion entre l’infinitif, le participe passé et parfois l’imparfait de l’indicatif pour les verbes du premier groupe
  • des maladresses dans l’emploi des homophones grammaticaux.

Pour chacun de ces points, nous avions noté des astuces, bien souvent des procédés de substitution.

L’orthographe lexicale, quant à elle, pose souvent moins de problèmes aux élèves. Lors des dictées, ils perdent peu de points à cause de ce type de fautes.

Cette fiche s’élabore aisément. Les élèves, en grande majorité, connaissent ces règles d’orthographe qu’ils ont apprises à l’école primaire. Néanmoins, ils ne les appliquent pas car ils n’ont pas l’habitude de réfléchir à ce qu’ils écrivent. Cette réflexion sur la langue figure bien dans le référentiel de compétences. Mais, pris par l’enchaînement des lectures analytiques, nous laissons trop peu de place à ce travail de l’orthographe.

Les élèves manquent d’entraînement et n’accordent finalement de l’importance à l’orthographe qu’en situation d’évaluation.

3. Coopérer pour apprendre à relire sa dictée

En cette fin d’année, j’ai donc décidé de tester un nouveau dispositif pédagogique : la dictée collective. Mon objectif était d’apprendre aux élèves à relire leurs dictées.

J’ai l’habitude d’utiliser le travail collaboratif dans mes classes. Je connais donc bien ses vertus. Il permet aux élèves les plus en difficulté d’apprendre en imitant les autres et en s’imprégnant de leurs bonnes méthodes de travail. En outre, les élèves qui sont en réussite consolident leurs apprentissages car le fait de devoir expliquer aux autres son raisonnement permet d’ancrer le savoir.

C’est un dispositif de pédagogie différenciée. Chacun est gagnant dans le travail de groupe lorsqu’il est ainsi conçu.

Présentation du dispositif pédagogique

Je commence par constituer moi-même des groupes de quatre élèves. Nous installons les tables en îlots.

Je lis ensuite un texte d’environ 80 mots. Puis, je le dicte. Chaque élève effectue la dictée sur sa propre feuille. Je le relis ensuite une dernière fois.

Vient alors le moment de la relecture. En groupe, les élèves doivent réécrire le texte sur une nouvelle feuille et se mettre d’accord. Comme chacun a écrit un premier jet, ils ont tous un avis sur l’orthographe de chaque mot. Ils doivent donc débattre et expliquer aux autres quelles règles ils ont appliquées. Toute proposition doit être appuyée d’une explication. Le but est de convaincre les autres.

En cas de désaccord, je leur suggère de voter. Chaque groupe a également droit à deux jokers. Ils peuvent solliciter mon aide et me demander de leur expliquer une règle de grammaire. Généralement, ils m’expliquent quelles difficultés ils rencontrent et je leur donne la règle qui les débloquera. Concernant les difficultés lexicales, soit je m’appuie sur l’étymologie ou les familles de mots, soit je répète le mot très lentement et en exagérant pour leur permettre d’identifier l’orthographe.

Pour la gestion du bruit, je distribue également des pénalités : 3 minutes de silence pour les groupes qui dérangent les autres ou qui parlent trop fort. Ils n’ont alors pas le droit de communiquer à l’oral mais peuvent continuer à travailler en écrivant sur un brouillon.

Pour m’y retrouver, je note au tableau les jokers et les pénalités de chaque groupe. Lorsque les trois minutes sont passées, je raye la pénalité.

A la fin, je ramasse la dictée collective et je mets la même note à tous les membres du groupe.

Bilan de cette expérimentation

Le bilan de cette activité est très positif.

Mes élèves s’investissent pleinement dans cet exercice. Ils sont très motivés et ont à cœur non seulement de faire leurs propositions mais aussi de trouver la bonne orthographe. Au sein de chaque îlot, les débats sont animés et une véritable réflexion sur la langue se met en place.

De toute évidence, les élèves apprennent à relire leurs dictées.

L’exercice est chronophage car il faut laisser une heure entière aux élèves pour qu’ils viennent à bout du texte.

En dehors des deux jokers, qui les rassurent, je n’ai pas besoin d’intervenir. Je n’ai donc pas l’impression de courir dans tous les sens.

Les élèves apprennent aussi à collaborer : ils expriment leurs idées, les justifient, écoutent et respectent les propositions des autres. Le risque de recevoir une pénalité les incite à rester calmes. Le climat de classe est donc serein.

J’ai pu tester ce dispositif en constituant des groupes de niveaux homogènes mais aussi hétérogènes. A chaque fois, c’est une réussite. Je n’ai pour l’instant mis aucune note en-dessous de 7/10 en appliquant le barème du D.N.B. Je retire donc 1 point pour les erreurs grammaticales et 0,5 pour les fautes lexicales.

L’année prochaine, j’envisage de continuer les dictées hebdomadaires. Cependant, je consacrerai le premier semestre aux dictées collectives avant de passer aux dictées individuelles. J’espère que les élèves auront ainsi le temps de développer des automatismes qui leur permettront d’améliorer leurs résultats.

Mathieu

Après avoir été professeur de lettres classiques pendant 11 ans, je suis devenu auteur de livres numériques en auto-édition. Par ailleurs, je publie sur ce blog des articles en lien avec l’histoire littéraire et la didactique des lettres.