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On entend souvent dire que nous vivons dans « une société de l’image ». L’expression est discutable dans la mesure où l’image est utilisée depuis la préhistoire et a pendant longtemps servi à pallier l’illettrisme des masses populaires. L’école républicaine, à l’origine, avait pour ambition de former des citoyens capables de lire et d’écrire convenablement. L’image n’était donc pas son support de prédilection. Elle lui a longtemps préféré le texte. Toutefois l’introduction de l’histoire des arts dans les programmes du collège a redonné une place à l’image artistique. Celle-ci appartient en effet, au même titre que la littérature, au patrimoine culturel. Mais il convient aussi de s’intéresser aux images issues de la culture dite « de masse » qui sont omniprésentes dans nos quotidiens, et donc celui de nos élèves. Or, s’ils vivent entourés d’images, cela ne signifie pas qu’ils savent les lire avec du recul. Toutefois, ils se sentent proches d’une culture de l’image et de l’oral qu’ils opposent à une culture jugée savante qui seraient constituée d’écrits et de littérature. L’utilisation didactique de documents iconographiques ou audiovisuels suscite donc chez eux motivation et intérêt. Mais on constate que cela s’émousse sitôt qu’on exploite le document iconographique de manière analytique. Le rôle de l’enseignant est donc de sortir les élèves d’une culture de l’instantané pour les amener à prendre le temps de voir, regarder, observer, analyser et interpréter l’image… la lire en somme. Ainsi, le professeur leur ouvre les portes cachées de leur propre culture. Alors, quand et comment utiliser l’image en cours de Français au collège ?

1. Définir les caractéristiques d’un mouvement littéraire

Les liens entre les mouvements littéraires d’une part et artistiques d’autre part sont nombreux. À travers les siècles, les écrivains et les artistes ont souvent partagé des thématiques, des intentions et des conceptions esthétiques, idéologiques ou philosophiques. Il est donc souvent possible d’utiliser des œuvres d’art pour permettre aux élèves d’identifier les caractéristiques d’un mouvement littéraire. Cela sera par exemple particulièrement judicieux lorsqu’on étudiera le baroque, le romantisme, le réalisme ou le surréalisme.

On peut inviter les élèves à identifier les thématiques abordées par un mouvement en s’appuyant sur un corpus d’œuvres artistiques qui appartiennent au même courant. Comparer une œuvre à une autre antérieure permettra en revanche de souligner les éléments de rupture.

Un enterrement à Ornans

Un enterrement à Ornans (Gustave Courbet, 1850) est considéré comme une œuvre manifeste du réalisme.

Ainsi, dans le cadre d’une séquence sur la nouvelle réaliste, on peut présenter différents tableaux réalistes aux élèves pour qu’ils dressent une liste des sujets abordés par les peintres. On comparera ensuite ces œuvres à des tableaux classiques. Les élèves constateront que le réalisme a abandonné les sujets mythologiques et bibliques au profit de la représentation de scènes du quotidien. De même, ils prendront conscience que le réalisme s’intéresse aux couches sociales bourgeoises et populaires, délaissant la peinture de la noblesse.

Ces séances d’histoire des arts peuvent être utilisées comme un lancement de séquence mais aussi comme un bilan. Elles permettent alors d’élargir le cours tout en récapitulant ce qui a été observé dans les textes. Notons enfin que les œuvres d’art offrent aux élèves une représentation visuelle qui peut faciliter la mémorisation des caractéristiques d’un mouvement.

2. Intégrer l’image dans une séance de lecture

Mais l’utilisation de l’image en cours de Français ne se réduit pas seulement à des séances d’histoire des arts. Elles peuvent parfaitement trouver leur place dans une séance de lecture analytique.

Apprendre à lire l’image

Dans la nouvelle épreuve du DNB, les élèves doivent observer un document iconographique et établir des liens de rupture ou de continuité avec le texte qu’ils viennent d’étudier. Il convient donc de les préparer à cet exercice en les habituant à lire les images.

Une technique efficace consiste à faire tracer aux élèves un tableau à deux colonnes. À gauche, ils inscrivent « ce que je vois » et à droite « ce que j’en déduis ». Ils notent ensuite leurs observations et entrent ainsi dans une véritable démarche d’interprétation. On notera que cette méthode les prépare également à l’exercice du commentaire de texte qui les attend au lycée.

Lier l’image et le texte

Après une séance de lecture analytique, on peut proposer une image aux élèves et leur demander si elle leur semble bien illustrer le texte. Ils devront bien sûr justifier leur réponse en s’appuyant sur l’analyse du texte et de l’image.

Le processus inverse est également intéressant car il permet de travailler la fabrication d’images mentales à partir d’un texte lu. On lit un texte, de préférence descriptif, avec les élèves et on leur demande de l’illustrer sans l’avoir étudié davantage. On leur précise qu’ils doivent relever les phrases du texte sur lesquelles ils s’appuient pour créer leur dessin. Ensuite, on choisit 5 dessins qui sont présentés à l’ensemble de la classe. Les autres élèves doivent alors dire, en citant le texte à chaque fois, quels éléments ont été repris et lesquels ont été oubliés.

On peut également demander aux élèves de critiquer une adaptation cinématographique du texte qu’ils viennent d’étudier. Ils devront s’intéresser aux points communs et aux différences entre ce qu’ils voient et ce qu’ils ont lu.

Quand le texte donne la clé de lecture d’un tableau

Lorsqu’on l’utilise en début de séance, l’image peut permettre de créer des hypothèses de lecture et un suspense, notamment lorsqu’on étudie des textes fondateurs.

On commence par étudier un tableau avec les élèves en utilisant la technique décrite précédemment du « ce que je vois »/ »ce que je déduis ». On leur demande ensuite d’écrire un court texte dans lequel ils donneront leur point de vue sur l’histoire racontée par ce tableau. Après avoir lu quelques textes des élèves, on distribue le texte original qui fournira la clé de lecture du tableau.

Il faut choisir un tableau narratif mais énigmatique comme Le jugement de Salomon de Nicolas Poussin par exemple. Les élèves s’interrogeront sur les deux nourrissons, constateront que l’un est mort, identifieront la présence d’un juge, en déduiront que les deux femmes s’opposent et noteront la présence d’une épée menaçante… À eux ensuite de tenter de reconstituer l’histoire… Ils pourront vérifier leurs hypothèses en découvrant le texte biblique.

3. Utiliser l’image pour faire écrire

En expression écrite, les élèves rencontrent parfois des difficultés pour imaginer un récit. L’image peut alors permettre d’apporter une solution. Elle peut être un support fourni à l’ensemble de la classe ou intervenir comme outil de différenciation pédagogique. L’enseignant ne la distribuera alors qu’à certains d’entre eux.

On peut distribuer aux élèves un tableau et leur demander de raconter la scène peinte en adoptant le point de vue d’un des personnages. On peut aussi leur proposer d’imaginer une histoire qui précéderait cette scène ou lui succéderait.

En sixième, les élèves les plus en difficulté pourraient bénéficier de l’aide d’images séquentielles. Ce sont des images successives qui racontent une histoire, à la manière d’une bande dessinée mais sans éléments textuels. Ainsi, on leur fournit la trame entière du récit. Ils n’ont plus qu’à se concentrer sur la rédaction d’un texte.

4. Interpréter l’image publicitaire en classe

Dans la rue, à la télévision, sur les réseaux sociaux, les élèves sont quotidiennement exposés aux images publicitaires. Elles leur sont familières mais ils n’ont pas l’habitude de les regarder avec la distance de l’analyse. Elles seront donc des supports stimulants pour les élèves et permettront parfois un travail fécond, notamment pour appréhender les techniques et les mécanismes de l’argumentation : analogie, autorité, ironie…

Mais il est également intéressant de montrer aux élèves comment la publicité s’empare de la littérature, notamment des textes fondateurs. On peut par exemple citer l’utilisation de la pomme comme symbole de la tentation dans la publicité pour le parfum de Nina Ricci. On évoquera alors le mythe biblique du fruit défendu et la figure d’Eve. Mais on pourra aussi parler de Blanche-Neige qui se laissa séduire par les pommes empoisonnées… De même, le film publicitaire réalisé par Luc Besson pour le N°5 de Chanel fait référence au conte du Petit Chaperon rouge.

5. La carte mentale illustrée

Les cartes heuristiques permettent aux élèves de présenter leur bilan de séquence de manière schématique. La réalisation de ces cartes mentales les oblige à réorganiser les connaissances acquises pendant la séquence. Ils doivent en effet dégager les mots-clés et les relier les uns aux autres.

On sait que cette façon de présenter la trace écrite d’un cours aide certains élèves à mieux l’apprendre. Néanmoins, une carte mentale est mémorisée plus efficacement par l’élève lorsqu’elle est personnalisée.

Aussi, il est tout à fait pertinent de demander aux élèves d’illustrer leurs cartes heuristiques. On peut leur demander de choisir au moins 5 mots-clés et d’y associer une image qu’ils colleront ou dessineront. Ces illustrations seront comme des ancres ou des points de repère qui les aideront à mieux visualiser leur carte mentale lorsqu’ils devront s’en souvenir pendant une évaluation par exemple.

Mathieu

Après avoir été professeur de lettres classiques pendant 11 ans, je suis devenu auteur de livres numériques en auto-édition. Par ailleurs, je publie sur ce blog des articles en lien avec l’histoire littéraire et la didactique des lettres.