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Parmi les nombreuses missions de l’enseignant, l’évaluation est sans doute celle qui suscite le plus de débats et d’interrogations. La pression mise sur les épaules des professeurs est d’autant plus grande depuis la mise en place de Parcoursup à l’issue du lycée. Désormais, les parents ont pleinement conscience du rôle sélectif de l’école. Certains se montrent très attentifs à notre manière d’évaluer et nous demandent parfois de nous justifier. Les évaluations doivent donc découler d’un processus didactique soigneusement réfléchi et s’intégrer pleinement dans nos séquences. Par ailleurs, l’évaluation n’est plus un acte individuel réalisé par un enseignant seul dans sa classe. Ses modalités sont désormais débattues en conseil pédagogique dans le but d’harmoniser les pratiques. Tous les élèves doivent avoir un traitement égal et juste. Comment donc évaluer ses élèves avec le plus de justesse et d’objectivité ? Et surtout peut-on seulement atteindre une réelle objectivité en matière d’évaluation ?

1. La notation chiffrée est-elle fiable ?

Prof face à des équations mathématiques

La notation chiffrée rassure car elle semble mathématique mais ce n’est sans doute pas si simple…

La notation chiffrée perdure dans notre système scolaire depuis la fin du XIXe siècle. Son succès est dû au fait qu’elle semble mathématique. Cet aspect rationnel rassure les élèves, les parents et les enseignants. Pourtant, la docimologie, c’est-à-dire l’étude de l’évaluation, nous apprend qu’il convient de relativiser les résultats obtenus.

La constante macabre

Il semblerait qu’on puisse observer, dans toutes les classes françaises, un pourcentage constant de mauvaises notes, quel que soit le niveau réel des élèves. Lors d’une évaluation, les résultats d’une classe formeraient une courbe de Gauss : peu de très bonnes et de très mauvaises notes mais beaucoup de notes moyennes. Ainsi, l’école fabriquerait inconsciemment de l’échec scolaire puisque certains élèves sont systématiquement voués à échouer.

Cela n’a rien d’étonnant car le système scolaire incite les enseignants à suivre un modèle éducatif qui vise à la sélection. On observera d’ailleurs pour s’en convaincre le rôle donné au conseil de classe, et donc aux enseignants, dans l’orientation scolaire des élèves. La note, et par suite la moyenne, est perçue comme un outil de classement qui ne trouve son sens que dans une dimension collective. Les résultats obtenus par un élève ne peuvent s’interpréter seuls, ils doivent être comparés aux autres notes de la classe.

L’effet de halo

C’est le second écueil qui guette l’enseignant lorsqu’il corrige ses copies. Selon l’effet de halo, notre jugement et donc nos évaluations sont influencés par nos premières impressions. Ainsi, on constate qu’un même élève obtiendra souvent des résultats similaires tout au long de l’année sur des exercices semblables. Involontairement, l’enseignant lui attribuerait donc une valeur, comme une étiquette qui le suivrait évaluations après évaluations.

Mais l’effet de halo va encore plus loin. Notre jugement serait également conditionné par des facteurs extérieurs comme la présentation de la copie mais aussi la qualité de l’écriture. Pire encore, l’apparence physique des élèves nous influencerait aussi !

2. Évaluer, c’est choisir des critères subjectifs

Lorsque vous corrigez vos copies, vous avez des attentes que vous définissez en fonction du travail mené pendant la séquence, des attendus fixés par le programme, de vos représentations personnelles et de votre expérience professionnelle. Vous vous appuyez donc sur des critères subjectifs. D’ailleurs, un collègue n’aura pas obligatoirement les mêmes attentes que vous.

On peut même aller plus loin… Le choix même des exercices ou des questions ainsi que la formulation des énoncés rendent votre évaluation subjective !

Il faut donc s’y résoudre, tout acte d’évaluation est subjectif. On n’évalue que ce qu’on a choisi d’évaluer et selon des critères qui nous sont propres.

3. On n’évalue pas toujours ce qu’on croit évaluer

Et encore ! Il arrive qu’un élève fournisse une réponse erronée alors qu’il connaissait la réponse.

Par exemple, certains élèves manquent tellement de confiance en eux qu’ils se méfient d’eux-mêmes et s’autocensurent. Ils auraient besoin, pour réussir, d’un encouragement bienveillant. Parfois, la simple présence du professeur, même temporaire, suffit à les rassurer. Mais bien entendu, vous ne pouvez pas vous asseoir à côté d’eux pendant toute l’évaluation. En revanche, en circulant dans la salle, vous pouvez jeter un œil à leurs copies et les encourager avec un regard approbateur. S’ils sont bloqués, vous pouvez aussi leur donner un coup de pouce en les accompagnant le temps d’une question, sans leur donner la réponse bien sûr.

Il arrive aussi parfois, surtout en français, que les élèves soient perturbés par la formulation de nos énoncés. Certains termes leur échappent et ils ne demandent pas toujours des explications. Il en résulte qu’ils ne parviennent pas à accomplir la tâche demandée. Mais ce n’est pas cette tâche qu’ils ne maîtrisent pas… Ce qu’on sanctionne en fait c’est leur incompréhension de la consigne.

4. Expliciter les attentes et les attendus

Pour effectuer une évaluation la plus fiable possible, il est donc essentiel d’expliciter les attendus du programme que vous souhaitez évaluer. Efforcez-vous de penser vos évaluations dès la construction de votre plan de séquence. Vous pourrez ainsi vous assurer que les élèves travailleront chaque point au cours de la séquence. Si le support peut être inédit, les compétences et les savoirs à mobiliser doivent être familiers aux élèves.

Il est également important de les habituer à comprendre et à répondre à un énoncé écrit. Vous pouvez par exemple faire en classe des « évaluations blanches » non notées.

Lors des évaluations, ce sont vos attentes qu’il convient d’expliciter. Vous pouvez ainsi fournir un barème de notation aux élèves lors des travaux d’expression écrite ou, mieux, le construire au préalable avec eux.

Si vous évaluez la compréhension d’un texte, veillez à ne laisser aucune ambiguïté dans vos questions. Il ne doit pas y avoir d’attentes sous-entendues. Lisez les questions à voix haute avec les élèves. Si besoin, faites des précisions et notez-les au tableau.

Enfin, lors de la correction de vos copies, corrigez quatre ou cinq copies et faites un point sur la manière dont vous distribuez les points au sein de chaque item ou de chaque question. Vous vous assurerez ainsi de traiter chaque copie de la même manière et vous atténuerez l’effet de halo.

Mathieu

Après avoir été professeur de lettres classiques pendant 11 ans, je suis devenu auteur de livres numériques en auto-édition. Par ailleurs, je publie sur ce blog des articles en lien avec l’histoire littéraire et la didactique des lettres.