La neuroéducation est à la croisée des neurosciences et de la pédagogie. Elle étudie le fonctionnement cérébral et les processus cognitifs pour proposer aux professeurs des stratégies d’enseignement efficaces. Cette approche scientifique de la transmission des savoirs et des compétences peut en effrayer plus d’un. Les réticences sont fortes et la prudence légitime. Cependant, on est actuellement loin du transhumanisme. Il n’est pas encore venu le temps où nous chargerons nos connaissances numérisées directement dans le cerveau des élèves. Pas de panique donc ! Essayons plutôt, grâce à la neuroéducation, de comprendre le fonctionnement du cerveau pour enseigner mieux. Les neurosciences ne doivent pas faire peur aux pédagogues car en réalité elles confortent un grand nombre de leurs intuitions.
1. La bienveillance, une nécessité pour le cortex
Ce qu’est la bienveillance
Tout d’abord, on parle bien de bienveillance, pas de laxisme. Il ne s’agit pas de perdre vos exigences mais simplement d’offrir aux élèves un cadre d’apprentissage serein. La bienveillance, c’est encourager, développer la confiance en soi, conseiller, être à l’écoute, dialoguer, tirer vers le haut… Ce n’est pas baisser le niveau, laisser les élèves faire n’importe quoi en classe, mettre des bonnes notes même si le travail est médiocre… Les élèves ne s’y trompent pas, les profs si parfois.
La bienveillance est une condition sine qua non à l’apprentissage. Un élève mal à l’aise, effrayé, stressé ou préoccupé ne peut pas acquérir de nouvelles connaissances.
L’autoritarisme comme positionnement pédagogique est donc un très mauvais choix. On ne peut pas bien enseigner quand on fait peur aux élèves. De même, les évaluations doivent être réalisables et préparées en amont avec le professeur. En effet, le stress inhibe les facultés cognitives des élèves.
Les neurosciences ont permis de le confirmer.
Les trois cerveaux : le raisonnement n’est pas prioritaire
Le cerveau humain, fruit d’une longue évolution, est composé de trois couches reliées entre elles.
- Le cerveau reptilien est dédié à la survie. Il gère ainsi la faim, la soif, le sommeil ou bien encore la sexualité.
- Le cerveau mammalien est le centre des émotions, dont le plaisir et la peur.
- Enfin le cortex est le siège de l’imagination et du raisonnement.
Or, le cortex, celui que nous sollicitons le plus en classe, n’est pas prioritaire. Un élève ne peut travailler efficacement que si ses cerveaux reptilien et mammalien ne se manifestent pas négativement. Ainsi, lorsqu’on a soif ou sommeil, il est plus difficile de se concentrer sur un raisonnement. De même, le stress inhibe la réflexion.
Cela nous explique pourquoi certains élèves nous assurent qu’ils savaient leur leçon mais qu’ils ont eu « un trou de mémoire » pendant l’évaluation.
Ainsi, lorsque vous préparez une évaluation, commencez toujours par quelques questions simples destinées à rassurer les élèves et à les mettre en confiance.
2. Les cartes heuristiques, regrouper les informations pour mémoriser
Les cartes heuristiques, ou cartes mentales, désignent ce que nous appelions plus sobrement autrefois des schémas. Il s’agit de représenter les connaissances à mémoriser en groupant les informations et en les reliant.
Les neurosciences nous permettent désormais de comprendre pourquoi elles sont si efficaces.
La mémoire de travail ne peut mobiliser qu’un nombre limité d’items, entre 5 et 9 selon les individus. Ainsi, pour retenir un numéro de téléphone, au lieu d’apprendre les 10 chiffres qui le composent, on les regroupe en 5 unités. Et c’est tout de même beaucoup plus facile comme ça, n’est-ce pas ?
Les cartes heuristiques permettent donc de structurer les informations. On les répartit en sous-ensembles, ce qui facilite le travail de mémorisation des élèves.
Il s’agit en outre d’une excellente activité pour clore une séquence pédagogique. En guise de bilan, on peut demander aux élèves, répartis en groupe par exemple, de construire une carte mentale sur une feuille au format A3. Ils doivent y faire apparaître toutes les connaissances acquises au cours de la séquence. On leur demande également d’y placer des illustrations, qu’on peut éventuellement fournir. Celles-ci sont des indices récupérateurs qui permettent au cerveau d’activer le souvenir.
L’enseignant choisit ensuite la carte qui lui semble la plus complète et la plus structurée. Il la photocopie et la distribue à l’ensemble des élèves.
3. Apprendre, c’est ne pas oublier
Notre cerveau n’est pas un disque dur. Les connexions neuronales se reconfigurent à chaque instant. C’est la fameuse plasticité cérébrale.
Une même information est décomposée et stockée dans plusieurs neurones éloignés les uns des autres. Pour reconstituer un souvenir, le cerveau doit établir des connexions entre eux. Quand il y a une faille, le cerveau la comble par l’hypothèse la plus probable et, la plupart du temps, il réussit son pari. Il a cependant créé un faux-souvenir.
Or, ce que nous appelons connaissances sont en réalité des souvenirs. Le même processus est donc à l’œuvre quand nos élèves apprennent.
Neurones déconnectés
Par ailleurs, si une information n’est pas utilisée, les neurones se déconnectent et on l’oublie. C’est ce qui se produit généralement avec les informations stockées par la mémoire de travail qu’on distingue de la mémoire à long terme.
Ainsi, lorsqu’un élève a une question, il doit la poser tout de suite, sinon il l’oublie. Toutefois, pour mener un raisonnement, l’enseignant ne peut pas s’interrompre à chaque instant. Vous pouvez donc habituer vos élèves à noter leurs questions sur une feuille de brouillon.
D’autre part, il est très important d’aider les cerveaux de nos élèves à identifier les informations qu’ils doivent retenir. On prendra soin de les avertir explicitement : « vous aurez besoin de ce que je vais vous expliquer pour la suite du cours » ou bien « l’explication qui va suivre vous sera très utile, alors soyez attentifs ».
Privilégier une pédagogie de la récurrence
Enfin, le cerveau a tendance à oublier ce qui est anecdotique au profit de ce qui est récurrent.
Pour l’élève, comprendre ne suffit donc pas. Il doit pratiquer et réviser régulièrement. Il existe d’ailleurs une fréquence optimale qui permet d’ancrer plus efficacement les connaissances. Une information doit ainsi être revue au bout d’1 journée, puis 1 semaine, 1 mois et enfin 1 semestre plus tard. Les élèves ne doivent donc pas réviser leur cours la veille de la séance suivante mais le soir-même !
L’enseignant doit quant à lui adopter une progression spiralaire afin de réactiver régulièrement les connaissances. La répétition, au cours d’une séance mais aussi d’une séance à l’autre favorise la mémorisation.
Pour ancrer un savoir, il vaut donc mieux privilégier des exercices courts et ritualisés sur une longue période. Cela sera plus pertinent qu’une activité intense et concentrée sur quelques séances.
En début de séance, il faut absolument faire répéter aux élèves ce qui a été appris au cours des séances précédentes. De même, il faut prendre le temps de récapituler les nouvelles connaissances en fin d’heure.
4. Connaître ses erreurs pour les éviter
On l’a dit plus haut, le cerveau crée des faux-souvenirs et n’est donc pas toujours fiable.
Ainsi, lorsqu’on orthographie mal un mot, l’erreur s’ancre dans nos souvenirs et peut devenir récurrente. On ne peut pas décider de l’effacer. En revanche, on peut l’identifier en tant qu’erreur, en prendre conscience et ainsi l’inhiber.
Pour devenir expert, il ne suffirait donc pas d’accumuler des connaissances. Il faudrait aussi être capable de se méfier de son cerveau pour rectifier ses erreurs récurrentes.
Demander aux élèves de recopier plusieurs fois les mots fautifs après une dictée permettrait donc de les aider à conscientiser leurs erreurs.
Mathieu
Après avoir été professeur de lettres classiques pendant 11 ans, je suis devenu auteur de livres numériques en auto-édition. Par ailleurs, je publie sur ce blog des articles en lien avec l’histoire littéraire et la didactique des lettres.