Skip to main content

Célestin Freinet est un pédagogue de la première moitié du XXe siècle. Avec son épouse, Elise, il a élaboré de nouvelles techniques d’enseignement et a créé sa propre école à Vence. Lorsque j’ai découvert la pédagogie Freinet, j’ai tout de suite été séduit par sa modernité… Au gré de mes lectures, je me suis imprégné de sa philosophie et j’y ai découvert des réponses à de nombreuses problématiques que je rencontrais. Toutefois, je trouvais peu de retours d’expériences au collège. J’ai pu échanger de vive voix avec des enseignants Freinet, notamment lors de réunions de groupes locaux de l’ICEM. Mais là encore, les professeurs du secondaire se faisaient rares. J’étais bien décidé à me lancer quand même mais, comme le contexte était différent, il me fallait adapter ces techniques déjà rodées dans le primaire. Au collège, à moins de s’inscrire dans une expérimentation portée par l’établissement, on doit composer avec le fonctionnement institutionnel classique. De plus, il faut avoir conscience que les élèves peuvent être légitimement déroutés par ce qu’on leur propose tant cela peut rompre avec les schémas traditionnels auxquels ils sont habitués.

France culture

L’école moderne de Célestin Freinet en 1958

Célestin Freinet

Né dans un milieu paysan, Célestin Freinet réalisa rapidement que les méthodes traditionnelles d’enseignement, sous la IIIème République, avaient été créées par et pour la classe bourgeoise. Elles étaient donc, selon lui, inadaptées à l’éducation de masse qui devait également s’adresser aux enfants du prolétariat pour leur offrir une émancipation politique et citoyenne.

Ce constat fut bien sûr influencé par ses convictions marxistes mais aussi par le postulat que le milieu dans lequel évolue l’enfant conditionne en partie son éducation.

1. Rompre avec la posture magistrale

En son temps, Célestin Freinet s’était débarrassé de son estrade… Il avait ainsi éliminé un symbole de l’autorité magistrale et avait rendu le maître plus accessible aux élèves.

C’est certainement le premier travail que doit mener un enseignant désireux d’entrer en pédagogie Freinet : déconstruire la figure du professeur pour ne plus être au centre des activités de la classe. Il faut apprendre à créer des situations pédagogiques qui mettent les élèves en activité. Le cours idéal n’est pas celui où les élèves écoutent religieusement leur professeur mais celui où ils acquièrent le savoir ensemble et en quasi autonomie.

L’enseignant doit apprendre à se taire, se mettre de côté, et observer sa classe pour n’intervenir que lorsque cela est véritablement nécessaire. Il devient un conseiller plus qu’un maître, un exemple plus qu’un modèle.

À l’ère du web, ce principe prend tout son sens. L’enseignant ne peut plus apparaître comme la figure sacralisée du savoir car celui-ci est accessible à tous, partout, tout le temps, instantanément. Internet est même presque devenu une extension du cerveau de nos élèves.

Étape 1

Les invariants pédagogiques

Célestin Freinet a défini des principes qui fondent sa philosophie pédagogique. Il les nomme « invariants ».

  • Invariant n°1 L’enfant est de la même nature que l’adulte.
  • Invariant n° 4 Nul – l’enfant pas plus que l’adulte – n’aime être commandé d’autorité.
  • Invariant n° 5 Nul n’aime s’aligner, parce que s’aligner, c’est obéir passivement à un ordre extérieur.
  • Invariant n° 6 Nul n’aime se voir contraint à faire un certain travail, même si ce travail ne lui déplaît pas particulièrement. C’est la contrainte qui est paralysante.
  • Invariant n° 8 Nul n’aime tourner à vide, agir en robot, c’est-à-dire faire des actes, se plier à des pensées qui sont inscrites dans des mécaniques auxquelles il ne participe pas.
  • Invariant n°10 bis Tout individu veut réussir. L’échec est inhibiteur, destructeur de l’allant et de l’enthousiasme.
  • Invariant n°10 ter Ce n’est pas le jeu qui est naturel à l’enfant, mais le travail.
  • Invariant n° 11 La voie normale de l’acquisition n’est nullement l’observation, l’explication et la démonstration, processus essentiel de l’Ecole, mais le Tâtonnement expérimental, démarche naturelle et universelle.
  • Invariant n° 22 L’ordre et la discipline sont nécessaires en classe.
  • Invariant n° 27 On prépare la démocratie de demain par la démocratie à l’Ecole. Un régime autoritaire à l’Ecole ne saurait être formateur de citoyens démocrates.
  • Invariant n° 28 On ne peut éduquer que dans la dignité. Respecter les enfants, ceux-ci devant respecter leurs maîtres est une des premières conditions de la rénovation de l’Ecole.

2. Mettre en œuvre la coopération et la collaboration

Lorsque l’enseignant accepte de ne plus être au centre du travail scolaire, il voit la nécessité de substituer un échange horizontal du savoir, c’est-à-dire entre pairs, à une transmission verticale. La socio-construction devient le socle de l’apprentissage. Il faut mettre en place des dispositifs qui permettent aux élèves de partager leurs connaissances et d’utiliser leurs compétences pour s’entraider.

C’est pour cette raison que le travail de groupe, en îlots, est souvent privilégié.

Les activités élaborées par l’enseignant peuvent s’inscrire :

  • dans la coopération, c’est-à-dire une distribution des tâches au sein du groupe en fonction des compétences de chacun. Chaque élève doit pouvoir se sentir responsabilisé et valorisé.
  • dans la collaboration, c’est-à-dire l’accomplissement à plusieurs d’une même tâche pour aboutir à une production commune dans laquelle chacun se sera impliqué.

Étape 2

3. L’expression libre : de l’imprimerie au numérique

Élise et Célestin Freinet

Pour Célestin Freinet, le travail scolaire doit avoir du sens et s’inscrire dans le concret. Il s’est fait connaître parce qu’il a placé l’imprimerie au cœur de son dispositif pédagogique. Son idée était de motiver le travail des élèves par la publication de leurs écrits au sein d’un journal qu’ils élaboraient de l’écriture des articles jusqu’à l’édition. Il faisait entrer un medium de communication contemporain et populaire dans l’école. Son expérimentation connut un succès tel que des instituteurs venus de toute la France se succédait pour observer sa classe. Très vite, il fut imité par de nombreux collègues… Le mouvement Freinet, ou de l’École Moderne, était né.

L’idée est de laisser les élèves s’exprimer à travers l’écriture de textes libres mais aussi de s’appuyer sur leurs questionnements pour explorer le savoir. Il faut être à l’écoute de la classe, savoir saisir les occasions pour lancer un travail de recherche et répondre ainsi à leur curiosité naturelle. Ainsi, Freinet organisait des sorties scolaires et incitait ses élèves à mener des enquêtes.

On peut bien sûr reprendre cette idée et inviter les élèves à construire leur propre journal de classe. Toutefois, les temps ont changé et il semble opportun d’utiliser les outils de communication de notre époque. Aussi, on peut remplacer le journal par un blog, participer à l’écriture d’un article sur une encyclopédie collaborative, recourir aux réseaux sociaux, produire des podcasts ou même réaliser des vidéos.

Étape 3

4. La recherche documentaire

Freinet pensait que la simplification et la vulgarisation à outrance ne pouvait pas stimuler les élèves. Au contraire, c’est de la complexité des choses que naît l’étonnement et la curiosité, véritables moteurs de l’apprentissage. Aussi, il préférait la recherche documentaire à la lecture des manuels scolaires. Les élèves rendaient compte de leurs découvertes lors d’exposés présentés à la classe et appelés « conférences d’écoliers« .

Or, la recherche documentaire est une tâche complexe qu’on ne sollicite souvent pas suffisamment. Elle permet de travailler la lecture, l’écriture, la maîtrise des outils numériques mais aussi l’expression orale.

Il est donc tout à fait envisageable d’intégrer dans son organisation pédagogique une heure hebdomadaire dédiée à cette activité. Il ne s’agit cependant pas de laisser les élèves livrés à eux-mêmes. Ces heures sont l’occasion de leur apprendre à devenir autonomes dans l’acquisition de nouvelles connaissances.

On peut leur apprendre à construire un document de collecte, à élaborer un plan, à bâtir une bibliographie, à vérifier la fiabilité de leurs sources… On les sensibilise au respect du droit d’auteur. Ils apprennent à construire un support de présentation adéquat, à maîtriser leur voix mais aussi leur gestuelle. Ils développent leur sens de l’organisation et apprennent à coopérer.

Toutes ces compétences ont l’avantage d’être transversales et interdisciplinaires.

Étape 4

5. Le plan de travail et les fichiers auto-correctifs

En pédagogie Freinet, la classe est vivante mais organisée. Elle est considérée comme un atelier où chacun s’affaire, concentré sur sa tâche. Chaque élève y apprend et développe ses compétences à son rythme.

Pour organiser les activités et que chacun sache ce qu’il a à faire, on distribue un plan de travail aux élèves. On peut même envisager de l’individualiser mais cela demande un travail préparatoire considérable.

Le plan de travail fait apparaître les objectifs de la séquence en terme de compétences, mais aussi les travaux à réaliser, les exercices à faire…

Un outil de suivi de la progression des élèves

C’est un véritable outil de suivi de la progression de l’élève. On peut donc envisager d’y insérer des rubriques dans lesquelles on invite l’élève à s’auto-évaluer. Il est également possible de placer un cadre dédié au bilan. L’élève doit y indiquer ce qu’il a appris, ce qu’il a réalisé et ce qu’il n’a pas fait mais aussi les objectifs qu’il se fixe pour la prochaine séquence. On l’incite ainsi à réfléchir sur son investissement dans ses apprentissages. Cela peut même devenir un support pour une discussion entre lui et l’enseignant.

Un outil de différenciation pédagogique

Le plan de travail peut devenir un véritable outil de différenciation pédagogique s’il est couplé à l’utilisation de fiches auto-correctives d’activités. Il s’agit de préparer des fiches numérotées comprenant des exercices et leur corrigé. En fonction des résultats obtenus par les élèves lors des évaluations, l’enseignant leur indique sur le plan de travail quelles fiches les aideront à progresser.

Il est d’ailleurs possible de ritualiser ces heures de remédiation différenciée en autonomie. Par exemple, on peut décider d’y consacrer une heure hebdomadaire ou tous les quinze jours. Pendant ces heures, l’enseignant peut s’entretenir avec quelques élèves en particulier.

Étape 5

Mathieu

Après avoir été professeur de lettres classiques pendant 11 ans, je suis devenu auteur de livres numériques en auto-édition. Par ailleurs, je publie sur ce blog des articles en lien avec l’histoire littéraire et la didactique des lettres.