Le syndrome de l’imposteur n’épargne pas les professeurs. De plus en plus de jeunes enseignants, mais pas uniquement, ne se sentent pas à leur place dans leur poste. Ils doutent de leurs capacités et ont l’impression d’avoir usurpé leur place.
1. Dans la tête de l’enseignant imposteur
- Avez-vous le sentiment d’être devenu professeur par un heureux concours de circonstance ?
- Pensez-vous que vous avez obtenu votre diplôme et votre concours grâce au hasard ?
- Avez-vous du mal à accepter les compliments ?
- Êtes-vous toujours insatisfait de vos cours ?
- Pensez-vous ne pas être à la hauteur de votre mission ?
- Vous comparez-vous souvent aux autres enseignants en pensant qu’ils ont plus d’expérience et de savoir que vous ?
- Vous désolez-vous sans cesse de ne pas être capable de faire progresser vos élèves ?
Oui ? Alors vous êtes peut-être concerné !
Les professeurs qui souffrent du syndrome de l’imposteur ont le sentiment que tout leur parcours est le fruit du hasard. A leurs yeux, ils ont obtenu leurs diplômes universitaires grâce à l’indulgence de leurs professeurs. Par chance, ils sont tombés sur le bon sujet lors de l’épreuve du CAPES. Leurs élèves ont été exceptionnellement sages le jour de leur inspection de titularisation…
En fait, ils ont le sentiment de ne pas mériter leur poste et de ne pas être en mesure d’assumer leur mission d’enseignement. Ils essaient de ne pas trop abîmer les élèves et se rassurent en se disant que l’année suivante un autre enseignant bien plus qualifié prendra le relais.
2. Vous êtes un prof compétent
Stop ! Comme chacun d’entre nous, vous avez le droit de vous épanouir dans votre travail. Il est temps de vous libérer de vos scrupules, laissez-les sur le bord du chemin. Déculpabilisez et ayez davantage confiance en vous. Pour cela, apprenez d’abord à vous connaître. Pas tel que vous vous représentez, mais tel que vous êtes.
Vous n’êtes pas arrivé là par hasard. D’ailleurs, de nombreux candidats sont chaque année recalés. Alors, c’est vrai, il peut y avoir une part infime de hasard lors des concours. Mais il y a surtout le travail que vous avez mené pour vous y préparer. Si vous pensez réellement que vous avez eu de la chance à chaque épreuve différente, alors vous devriez jouer au loto !
Faites le point sur vos compétences
Lorsqu’on est enseignant, il est rare qu’on fasse son C.V. A vrai dire, à moins de vouloir se reconvertir et changer de métier, on n’en a pas vraiment l’utilité. Pourtant, se livrer à cet exercice peut vous aider à avoir davantage confiance en vous. Vous sous-estimez sans doute vos compétences parce que vous n’avez jamais pris le temps de faire le point sur vos expériences professionnelles.
Commencez par le plus simple : votre parcours universitaire et votre concours de l’enseignement.
Réfléchissez ensuite à vos compétences numériques. Quels logiciels avez-vous l’habitude d’utiliser ? En classe mais aussi pour préparer vos cours. Notez votre niveau de maîtrise sur une échelle de 5 pour chaque logiciel. Et ne trichez pas, inutile de vous dévaloriser, soyez honnête avec vous-même.
Puis listez les compétences que vous utilisez au quotidien pour faire cours : esprit de synthèse, approche pédagogique, conception de parcours de formation…
Enfin, faites le point sur les différents projets que vous avez menés et auxquels vous avez participé. Qu’en avez-vous retiré professionnellement ? Quelles compétences cela vous a-t-il permis de développer ?
Apprenez à connaître vos points forts
Lorsqu’on est perfectionniste, on a tendance à n’entendre que les critiques et les reproches. Cela nous donne d’ailleurs des raisons supplémentaires pour nous auto-flageller ensuite.
Il s’agit donc d’accepter de recevoir des retours positifs.
Ces retours sont souvent discrets et il est facile de passer à côté. Un retour positif, c’est un élève qui traîne à la fin de l’heure pour vous parler. C’est une classe étonnée que l’heure soit passée si vite. Mais c’est aussi un élève décrocheur qui participe à votre cours, même ponctuellement. Ou bien encore un parent d’élève qui vous glisse que son enfant parle de votre cours à la maison.
Un retour positif, c’est souvent un petit quelque chose qu’il faut pourtant savoir saisir.
Si vous vous en sentez capable, vous pouvez aussi sonder vos élèves. Voici toutefois quelques conseils.
- Évitez les questions ouvertes. Un QCM est préférable.
- Ne posez pas de questions sur votre personnalité. Les élèves n’ont pas à la juger.
- Interrogez les élèves en leur demandant ce qu’ils pensent de chaque rituel ou activité que vous avez mis en place. Demandez-leur de se positionner sur l’échelle suivante : très utile, utile, peu utile, pas utile.
- Rappelez explicitement aux élèves qu’ils ne doivent pas dire s’ils aiment une activité mais s’ils pensent qu’elle les a aidés à progresser.
Souvenez-vous que vous ne devez pas prendre personnellement les réponses des élèves. Ce sondage est uniquement un outil qui vous permet d’apprécier la réception de vos rituels pédagogiques. Cela vous aidera à éliminer certaines pratiques si vous doutez vous-même de leur efficacité.
Évoluez pour rendre les critiques obsolètes
L’erreur joue un rôle dans le processus d’apprentissage. Les pédagogues le savent bien. C’est en se trompant et en recevant un feedback négatif que l’apprenant se corrige. Et cela vaut également pour vous.
Nous avons tous connus des séances catastrophiques. Les activités que nous avions prévues se révèlent peu pertinentes et ne soulèvent aucun enthousiasme chez nos élèves. Tout le monde s’ennuie, y compris le prof ! Pire, notre séance a été si mal pensée que nous nous retrouvons à devoir gérer un brouhaha agaçant. Nous avons alors l’odieux sentiment d’avoir perdu notre classe et nous ne pouvons que nous blâmer nous-mêmes.
Alors, nous pouvons être tentés de remettre en question notre légitimité… Ou bien, dédramatiser et se dire qu’on fera mieux la prochaine fois. Au lieu de se lamenter, on peut plutôt tenter d’analyser ce qui n’a pas fonctionné. A partir du moment où on comprend ses erreurs, on se sent plus armé pour ne pas les reproduire. Et plus fort, et plus serein aussi !
On met alors à distance ses erreurs. Elles appartiennent au passé et on se projette dans les futures séances. En fait, cette séance ratée dont on a honte devient une expérience positive car on gagne en compétences !
3. Oubliez l’image du bon prof
Nous avons tous une image du bon prof… Je ne vous parle pas de l’instit et de sa moto… Non, on comprend rapidement que celle-là est fictive.
Non, l’image du bon prof est construite collectivement, par l’institution, les collègues, les élèves, les parents, nos amis, notre famille…
Portrait du bon prof
Le bon prof est bienveillant mais autoritaire. Il est innovant mais il fait faire des dictées tous les jours. Il se voue entièrement à ses élèves. D’ailleurs, quand il part en vacances, il prend des photos pour illustrer ses cours.
Le bon prof ne s’énerve jamais parce qu’il sait toujours prendre du recul. Et puis, il n’a aucune raison de s’énerver car il rayonne et ses élèves respectent son autorité naturelle. Dans le couloir, on les entend manifester leur joie de le retrouver.
Le bon prof boucle le programme et fait progresser les cancres.
Le bon prof change tous ses cours chaque année. Il est un pionnier du TBI et enseigne avec des tablettes. Ses séances tiennent parfaitement dans une heure de cours. Il ne connaît pas l’imprévu, tout est sous contrôle. Il ne craint pas d’avoir un autre adulte dans la classe, d’ailleurs les AVS sont élogieux à son sujet.
Le bon prof ne râle jamais en salle des profs. C’est un bon camarade, toujours souriant, jamais fatigué. Le bon prof assiste à toutes les réunions. Il donne systématiquement des évaluations de la seconde chance. Et si ça ne suffit pas, il corrige le corrigé de la seconde chance… Il y arrive car il corrige vite ses copies.
Lorsqu’il a une heure de libre, il aide des élèves en salle de permanence. Le bon prof assure tellement qu’il anime un club sur sa pause méridienne. Il mange debout devant son casier tout en remplissant des PPRE. Le bon prof consulte l’ENT depuis son smartphone. Il est volontaire même quand il n’y a plus d’HSE.
Le bon prof, s’il n’est pas un mythe, est un candidat au burn out…
Le secret des profs qui donnent des complexes aux autres
Vous rêvez de savoir le secret de ces profs qui nous donnent des complexes ? Ils ont tout simplement confiance en eux ! Ils ne doutent pas de leur légitimité ni de la qualité de leur travail.
Cela ne signifie pas qu’ils font mieux que les autres. Simplement, ils ne se sentent pas coupables à la moindre défaillance. Ils savent s’arrêter pour passer à une autre tâche même s’ils n’ont pas atteint la perfection.
Ils avancent, point.
Tout est une affaire d’images. L’image que vous renvoyez et celle qu’ils renvoient. Mais aussi l’image que vous croyez renvoyer et celle que vous croyez qu’ils renvoient. Enfin surtout, l’image que vous aimeriez renvoyer et celle qu’ils veulent renvoyer.
Soyez vous, rien que vous
Alors oui, nous vivons sous l’ère de la globalisation. Il faut normaliser, enfermer dans des cases. Que rien ne dépasse surtout !
Mais à courir après une image qui ne vous correspond pas, vous vous perdez. Or, l’essentiel de la relation pédagogique se bâtit sur la rencontre humaine que vous proposez. Vous n’apportez pas que votre savoir aux élèves. Vous leur offrez votre personnalité, vos compétences propres qui, par chance, ne sont pas les mêmes que celles du prof d’à côté. C’est en cela que les élèves reçoivent une éducation riche.
Le prof n’est pas le modèle mais un modèle parmi tant d’autres.
Ne cherchez donc pas à vous comparer aux autres professeurs. Trouvez plutôt en vous votre propre posture pédagogique. Apprenez à vous connaître, à aimer vos imperfections. Découvrez vos qualités et tâchez de les transmettre aux élèves.
4. Vous ne pouvez pas tout contrôler
Lorsqu’on enseigne, on peut avoir le sentiment de ne pas arriver à faire progresser ses élèves. On a tendance à se focaliser sur les échecs et à occulter les réussites. De même, on pense que les bons élèves seraient tout aussi bons avec un autre prof. En revanche si les décrocheurs ne raccrochent pas, on a le sentiment que cela vient de nous.
Et pourquoi donc ?
Lâchez prise. Vous ne pouvez pas tout contrôler. Vous n’avez pas d’emprise sur certains facteurs. Les contextes socio-économiques, géographiques et familiaux conditionnent vos élèves, malgré vos efforts. De même, le système éducatif dans lequel nous évoluons a ses forces mais aussi ses failles. Vous n’êtes que le maillon d’une chaîne et vous devez œuvrer à votre niveau, en toute humilité.
Vous ne pouvez pas transformer vos élèves. On ne vous demande pas de créer une armée de génies. Votre boulot, c’est d’accompagner les élèves dans leur progression. Mais le rythme d’apprentissage varie d’un individu à l’autre et vous devez vous résoudre à l’accepter.
Si un élève a du plaisir à venir dans votre cours, vous avez fait votre travail. S’il se sent accueilli, respecté, épaulé, alors vous avez créé la relation pédagogique. Vous organisez la découverte du savoir, vous proposez des activités, les élèves s’en saisissent, ou non… Pas de miracle. Pour apprendre, il faut être acteur. Vous ne pouvez pas remplir de force la tête de vos élèves. Ils doivent faire l’autre moitié du travail.
Mathieu
Après avoir été professeur de lettres classiques pendant 11 ans, je suis devenu auteur de livres numériques en auto-édition. Par ailleurs, je publie sur ce blog des articles en lien avec l’histoire littéraire et la didactique des lettres.