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Il est fréquent que des enseignants donnent des exposés aux élèves en leur demandant de les réaliser en totale autonomie. La recherche documentaire est ainsi souvent pratiquée au collège sans être enseignée en dehors du travail mené par les professeurs documentalistes. Pourtant, il s’agit d’une tâche complexe qui mobilise de nombreuses compétences particulièrement intéressantes dans le cadre du cours de Français. Les enseignants de Lettres peuvent donc enrichir leur cours grâce à cette activité. Dans le cadre de la mise en place d’une pédagogie inspirée par les techniques Freinet, j’ai mis la recherche documentaire au cœur du fonctionnement de mon cours de Français, indépendamment du travail du professeur documentaliste avec lequel bien entendu il est primordial de collaborer. Le CDI et la recherche documentaire sont des outils pédagogiques dont chaque enseignant devrait pouvoir s’emparer, sans craindre d’empiéter sur une chasse gardée. Quel peut donc être l’apport du professeur de Français dans l’apprentissage de la recherche documentaire ? Comment peut-il compléter le travail du professeur documentaliste ?

1. Pourquoi pratiquer la recherche documentaire en cours de Français ?

Dès les années 1930, Freinet encourage dans ses classes la recherche documentaire. A la croisée de l’expression libre et du tâtonnement expérimental, cette pratique répond au besoin naturel des enfants d’apprendre.

En effet, il n’est pas rare de voir surgir en classe des questionnements d’élèves. Qu’en faisons-nous? Nous y répondons de manière magistrale ou, si la question dépasse nos connaissances, nous l’éludons par des stratégies diverses. Pourquoi ne pas, au contraire, profiter de ces interventions pour créer ou entretenir une motivation?

Point d’angélisme toutefois, nos élèves sont des zappeurs et certains n’attendent même pas votre réponse pour commencer à discuter avec leur voisin. En dignes adeptes des réseaux sociaux, ils commentent votre cours, espèrent un « like » de votre part et se désintéressent vite des réponses apportées. Il importe aux élèves de s’exprimer mais on ne leur a jamais appris à s’attarder sur un questionnement. Pis encore, on les a parfois convaincus que leurs interventions intempestives n’étaient ni opportunes ni légitimes. C’est le fruit d’une société dans laquelle la rapidité et la rentabilité sont devenues des règles de vie, voire des principes.

Non seulement ces questions sont légitimes mais, en outre, il est de notre devoir d’encourager les élèves à s’attarder sur un questionnement pour qu’ils prennent conscience qu’un savoir s’élabore dans la durée. D’autre part, nous formons de futurs citoyens qui doivent acquérir la capacité de s’informer et de s’auto-former, car on ne peut concevoir qu’un être humain, citoyen de surcroît, cesse d’apprendre au sortir de sa scolarité.

2. Bâtir une progression pour enseigner la recherche documentaire

L’apprentissage de la recherche documentaire doit être pensé en amont. Si l’on veut que les élèves en mesurent l’enjeu, il ne faut pas la reléguer au rang de tâche annexe qui doit être effectuée en totale autonomie en dehors du temps scolaire. Au contraire, il faut réfléchir à une progression des apprentissages et des objectifs, bâtir un projet aussi cohérent que stimulant et surtout y consacrer plusieurs séances dans l’année.

Premier trimestre: reformuler pour s’approprier une connaissance

  • Découvrir la classification Dewey.
  • Se repérer dans le C.D.I. et identifier les différents supports documentaires.
  • Chercher un article dans un dictionnaire ou une encyclopédie.
  • Sélectionner une information dans des documents fournis par les enseignants.
  • Lire un paragraphe et le reformuler avec ses propres mots.
  • Présenter son travail à l’écrit et à l’oral.

Deuxième trimestre: trouver une information pertinente et respecter les droits d’auteur

  • Utiliser BCDI et un moteur de recherche sur internet.
  • Trier les sources d’informations selon leur légitimité.
  • Prendre des notes et rédiger un texte à partir de celles-ci.
  • Respecter les droits d’auteur des documents iconographiques.
  • Elaborer une bibliographie.

Troisième trimestre: diffuser son travail sur un support adapté et travaillé

  • Définir des mots-clés.
  • Choisir un support adapté pour présenter son travail.
  • Utiliser les différents outils du traitement de texte.
  • Mettre en page convenablement un document.

La recherche documentaire est souvent délaissée car elle est jugée chronophage. Il s’agit donc d’intégrer pleinement cette pratique aux autres activités du cours de Français.

Tout d’abord, la recherche documentaire peut constituer une stratégie de contournement du cours magistral. Ainsi, on peut confier aux élèves le soin de présenter la biographie d’un auteur étudié en classe, un événement historique ou bien encore un aspect de l’histoire littéraire. Peu d’élèves proposeront d’eux-mêmes d’explorer un thème qui les interpelle. Il faut donc leur donner des idées et constituer séquence par séquence une liste de sujets d’exposés. Cependant, lorsque le climat de classe est suffisamment stimulant, la curiosité des élèves fait surgir des questionnements. Plutôt que d’y répondre, si le sujet nous semble abordable, on peut suggérer à l’élève d’effectuer lui-même la recherche afin d’en exposer les résultats à la classe.

Ainsi, les élèves vont être par exemple conduits à rechercher des règles orthographiques et grammaticales variées: l’accord des adjectifs de couleur, la manière de distinguer « tout » et « tous » ou bien d’autres homophones, l’accord du participe passé avec le « vous » de politesse…

Mais certaines propositions s’appuieront sur des intuitions plus littéraires ou culturelles. Après avoir étudié Ma bohème de Rimbaud, un élève de ma classe a souhaité étudier la chanson Ce qu’on voit, allée Rimbaud de Pascal Obispo pour la mettre en relation avec le texte du poème. Il pressentait une intertextualité et voulait vérifier son hypothèse. Son travail fut d’ailleurs très apprécié par ses camarades qui n’hésitèrent pas à l’applaudir spontanément à la fin de sa présentation. De même, en latin, un autre élève s’est interrogé sur le lien entre l’architecte Vitruve, dont nous venions de traduire un texte, et L’homme de Vitruve de Léonard de Vinci.

On le voit, l’occasion d’une recherche peut surgir à tout moment. L’enseignant doit donc être vigilant et saisir toute opportunité. Un élève ne sera jamais aussi motivé que si l’on donne de l’importance et de la légitimité à son questionnement.

D’autre part, cette manière de procéder valorise les élèves en les intégrant au mouvement humain de la recherche et de la diffusion du savoir. Ils en deviennent acteurs, y participent, et ne se contentent plus d’en être spectateurs.

On observe dans les classes que plus les élèves grandissent plus ils perdent cette appétence naturelle pour le savoir. Leur curiosité s’émousse peu à peu. On peut sans doute y voir un effet pervers d’un système scolaire encore trop centré sur la figure magistrale. Le savoir en classe ne serait légitime que s’il provient de l’enseignant. Or, combien de fois nos élèves nous ont-ils surpris par la pertinence de leurs intuitions voire de leurs connaissances sur un sujet précis? Beaucoup d’enseignants de langues anciennes le savent, les élèves de cinquième sont redoutables. Ils en savent souvent beaucoup sur la mythologie et l’Antiquité. Leurs questions sont parfois pointues et peuvent même nous déstabiliser.

Apprendre à utiliser un dictionnaire est une bonne entrée dans la recherche documentaire en cours de Français.

La première recherche documentaire est celle qu’on effectue dans un dictionnaire. On considère à tort au collège que les élèves maîtrisent l’utilisation de cet outil. Or, on peut s’apercevoir en introduisant cette pratique en classe que pour certains d’entre eux le maniement du dictionnaire est loin d’être aisé. Quelques-uns ne maîtrisent même pas l’ordre des lettres de l’alphabet. Lorsque les élèves trouvent le mot recherché, ils doivent encore trouver la définition adéquate au contexte. Ainsi, nous avons demandé à des élèves de troisième de chercher la définition du mot « accolade » qui apparaissait dans un texte épique et médiéval. Presque tous ont recopié la première définition, pourtant non pertinente, qui correspondait à son sens courant et actuel. De même, on constate généralement que lorsque les élèves ne comprennent pas un mot de la définition, ils n’ont pas le réflexe de poursuivre leur recherche en allant consulter la définition de cet autre mot.

L’usage du dictionnaire est donc à construire en classe. Les corrections de dictée en sont par exemple l’occasion. Beaucoup d’élèves corrigent leurs erreurs en tentant une nouvelle proposition sans l’avoir vérifiée auparavant.

On constate, à ce sujet, que certains d’entre eux éprouvent des difficultés quand il s’agit d’envisager une autre orthographe à un mot. S’ils ne trouvent pas le mot qu’ils ont cherché avec une orthographe erronée, ils concluent que « le mot n’est pas dans le dictionnaire ». Il convient alors d’accompagner leur réflexion en les amenant à décliner les différents graphèmes possibles pour un même phonème.

Le travail sur le lexique et particulièrement l’élaboration de cartes heuristiques sont également une entrée dans la recherche documentaire. Cette activité permet aux élèves d’apprendre à trouver des mots-clés et à développer une idée. En déployant une arborescence de mots, ils construisent une structure et créent des liens entre les idées. Dans le cadre d’une recherche documentaire, les mots d’une carte heuristique représentent des entrées possibles à soumettre dans B.C.D.I. ou dans un moteur de recherche.

On peut également travailler la prise de notes en classe en proposant une tâche complexe aux élèves qui s’appuie sur l’utilisation des phrases non verbales. Par exemple, on peut fournir une brève biographie de Molière. Les élèves doivent d’abord transformer le texte en phrases averbales puis dans un second temps utiliser leurs phrases pour réécrire leur propre biographie du dramaturge. Cette activité a pour objectif d’apprendre aux élèves à reformuler un texte en sélectionnant les informations essentielles pour produire un écrit personnel.

3. Les élèves et le copier-coller

Du collège à l’université, le web tend à devenir pour les enseignants un ennemi redoutable car il favorise le plagiat. La pression mise sur les enseignants au sujet du plagiat scolaire est d’autant plus forte qu’internet a réveillé dans la société un important débat autour des droits d’auteur. Les enseignants déploient donc beaucoup d’effort pour détourner leurs élèves de cet outil et les diriger vers un support plus traditionnel: le livre.

Il ne faudrait pourtant pas se tromper. C’est bien le fameux « copier-coller » qu’il faut combattre et non internet, véritable révolution pour la diffusion du savoir. Le plagiat n’est d’ailleurs pas une nouveauté. Bien avant la démocratisation de l’informatique, des générations d’élèves ont recopié des paragraphes entiers, à la virgule près, qu’ils avaient trouvés dans des livres et des revues.

La différence est bien entendu que lorsque l’élève recopiait manuellement un texte on pouvait espérer qu’il se l’appropriât un peu. Aujourd’hui, trop souvent, les élèves repèrent des mots-clés et copient automatiquement le texte sans même le lire ni le remettre en forme. La majorité ignore d’ailleurs l’existence de la fonction « collage spécial ». On voit par conséquent fleurir les travaux d’élèves qui contiennent encore des liens hypertextes. Il m’est ainsi arrivé de lire un exposé sur Vénus, personnage d’une bande dessinée de Marvel, car l’élève n’avait pas lu le contenu du texte copié et n’avait donc pas réalisé qu’il ne s’agissait pas de la déesse romaine..

Élaborer un document de collecte

Le phénomène est si considérable qu’il peut sembler vain de vouloir le proscrire. Il semble préférable de l’accompagner pour que nos élèves apprennent à utiliser convenablement cette pratique du copier-coller.

On peut par exemple s’inspirer du sens étymologique de « lire ». Le mot latin lego désigne en effet à la fois l’action de lire et celle de cueillir.

La meilleure démarche serait ainsi de proposer aux élèves de constituer, dans un premier temps, un document de collecte, à usage privé, contenant des textes copiés-collés. L’élaboration de ce document pourrait d’ailleurs donner lieu à une évaluation avec des critères de pertinence et de légitimité de l’information collectée. Les élèves doivent en effet prendre conscience qu’internet est ouvert à tous et que chacun peut écrire sur le sujet de son choix, qu’il soit spécialiste du sujet traité ou non. On doit donc encourager les élèves à trouver et exiger des cautions de la légitimité de l’auteur.

Ce document de collecte doit rester une étape de la démarche documentaire en développant les capacités de tri et de hiérarchisation de l’information. L’étape suivante est la reformulation et l’organisation des informations contenues dans ce document.

Le problème des images

De même que pour les textes, il semble nécessaire de sensibiliser les élèves aux droits d’auteur et d’usage des documents iconographiques. Bien sûr, l’école bénéficie de l’exception pédagogique mais il ne faut pas perdre de vue que nos élèves produiront un jour des documents en dehors du cadre scolaire.

Quand on se penche sur cette question, on constate rapidement qu’il existe quelques bibliothèques d’images libres de droits mais qu’elles sont nettement insuffisantes. Les élèves n’y trouvent pas toujours ce qu’ils recherchent. Ils consultent alors bien souvent « Google images ». Cette solution est envisageable mais l’enseignant doit leur montrer comment utiliser la recherche avancée sur ce site afin de ne faire apparaître dans les résultats que les images libres de droits d’utilisation.

Là encore, les élèves seront souvent déçus car le célèbre moteur de recherche leur fournira un nombre bien moins conséquent de propositions. En effet, lorsqu’on recherche par exemple l’illustration d’une œuvre d’art, outre les droits de l’artiste lui-même, certaines reproductions photographiques sont également protégées par des droits.

Et les droits des élèves?

Proposer aux élèves de produire des documents qu’on placera au C.D.I. afin que les générations suivantes puissent les consulter est un moyen efficace de leur faire prendre conscience des notions de propriété intellectuelle et de droits d’auteur.

Ainsi, lorsque j’ai exposé cette idée dans une classe de cinquième, la réaction ne s’est pas fait attendre. Un élève s’est offusqué du fait que ses pairs pourraient utiliser son travail, le recopier intégralement et obtenir ainsi une bonne note.

Quelle prise de conscience de la nécessité pour chacun d’être responsable et de respecter la paternité du travail d’autrui!

4. Publier les exposés des élèves dans un livre de classe

Il convient de rappeler qu’il est possible de réconcilier l’informatique et le support papier. De même que Freinet a introduit l’imprimerie dans l’école en proposant à ses élèves d’écrire des livres et des journaux, l’enseignant peut inviter ses élèves à présenter tous leurs exposés à l’aide d’un traitement de texte en vue d’une publication.

Lorsque le travail de recherche est achevé, vient le temps de la présentation à la classe. Celle-ci s’effectue généralement à l’oral. On peut proposer aux élèves un rendez-vous régulier, sur le modèle des « conférences d’enfants » de Freinet. Dans mes classes, il s’intitule « 5 minutes chrono ». Il a lieu toutes les trois semaines environ et dure une demi-heure. Chaque élève dispose d’environ 5 minutes pour présenter son exposé puis il répond aux éventuelles questions.

Peu à peu, j’invite les élèves à se détacher des diaporamas pour privilégier l’interaction orale. Je l’encourage au fur et à mesure à éviter de placer du texte dans ce type de support. En fin d’année, certains élèves, qui ont participé à l’activité plusieurs fois, prennent confiance en eux et tentent même de présenter leur exposé sans leurs notes, avec pour seul support des documents iconographiques.

Les élèves peuvent présenter leur exposé à l’oral sur le support de leur choix mais on peut exiger une production écrite à partir d’un traitement de texte.

En collectant l’ensemble des productions écrites, l’enseignant peut produire un « livre de classe ». S’il accueille les élèves toujours dans la même salle, on peut y installer une bibliothèque afin que les élèves aient la possibilité de consulter ces ouvrages. Ils peuvent ainsi lire, voire poursuivre, le travail réalisé par leurs prédécesseurs. La présence d’une telle bibliothèque permet également d’occuper les élèves qui travaillent plus vite que les autres et passent de nombreuses minutes à s’ennuyer sur leur chaise.

Toutefois, il est difficile dans certains établissements de satisfaire à cette exigence. Une autre solution consiste alors à investir le C.D.I. On y placera donc les livres publiés qui seront consultables par l’ensemble des élèves.

Placer leurs propres écrits sur les étagères, au milieu des autres ouvrages, donne une légitimité à leur travail. D’autre part, cela leur permet de s’approprier le lieu.

On peut également proposer aux élèves des modèles de fiches pour constituer un ouvrage documentaire. Les élèves, répartis en binômes, réalisent des fiches qui sont ensuite regroupées. Il existe une multitude de thèmes qui peuvent être abordés: les dieux romains, les plantes médicinales dans la Rome antique, les personnages célèbres de la Grèce antique…

En hommage à Nelson Mandela, nous avons ainsi, en collaboration avec la professeure documentaliste, proposé aux élèves de lire des biographies de personnages devenus célèbres pour leur combat contre la discrimination et pour la liberté. Le choix thématique était varié et les personnalités étaient aussi bien des hommes que des femmes, ayant vécu du XVIIIème au XXème siècle: Olympe de Gouges, Martin Luther King, Federico Garcia Lorca, Rosa Parks, Harvey Milk, Simone Veil…

5. Quels wikis utiliser pour la recherche documentaire au collège ?

La recherche documentaire, dans l’esprit des élèves, est de plus en plus souvent synonyme de « recherche sur wikipedia ». Certains enseignants continuent de lutter contre ce réflexe mais on peut aussi décider d’accompagner nos élèves en leur donnant des clés qui leur permettront d’utiliser au mieux cet outil d’information.

On veillera bien sûr à proposer aux élèves d’autres sources d’information et à insister sur la richesse et les qualités de celles-ci.

Cependant, refusons l’hypocrisie et n’essayons pas de passer pour des dinosaures que nous ne sommes pas. Comme nos élèves, nous avons bien souvent développé le « réflexe internet ». Nous utilisons volontiers cet outil lors de nos préparations de cours et nous consultons aussi Wikipédia. Cela nous arrive même parfois en classe, face à une question imprévue, de faire une brève recherche pendant notre cours. Les élèves nous y invitent même parfois!

Ce qui nous sépare de nos élèves, c’est que nous avons, pour la plupart, connu un autre temps et que nous avons acquis des réflexes de recherche en voyant peu à peu grandir internet. Ainsi, nous savons « trier et hiérarchiser » l’information. Cela signifie que nous sommes a priori capables de juger de la pertinence d’une information (grâce à nos connaissances préalables) et de la légitimité de son auteur.

Il faut donc apprendre à nos élèves à utiliser internet comme nous avons appris à utiliser les livres, mais différemment… En effet, on ne lit pas de la même manière quand on est face à un écran. La lecture est rarement linéaire, elle se fait au contraire transversale. Elle passe d’une colonne de la page à une autre. Notre attention est portée vers les liens hypertextes, que nous percevons comme des mots-clés et nous cliquons puis cliquons encore. La lecture sur internet se fait donc en trois étapes: d’abord nous balayons la page à la recherche de mots-clés, puis nous effectuons une lecture transversale et rapide, enfin nous lisons de manière linéaire et attentive pour sélectionner une information.

Certes, les élèves utilisent mal internet… Et c’est bien à nous, enseignants, que revient la tâche difficile de leur procurer un apprentissage en la matière…

J’aimerais donc mettre ici en lumière le travail d’un enseignant: Laurent Jauquier, le créateur du site wikimini.org. Ce professeur suisse a mis en place un wiki destiné aux enfants et écrit par des enfants. Il a développé ce projet car il s’était aperçu que Wikipédia proposait des articles dont le contenu n’était pas adapté au niveau des élèves. C’est d’ailleurs parce qu’ils ne les comprennent pas que les élèves copient-collent ces articles sans les lire. De plus, il pensait, et je le rejoins sur ce point également, que l’intérêt d’une encyclopédie collaborative pour les élèves ne réside pas tant dans sa consultation que dans son élaboration. Sur Wikimini donc, ce sont les enfants qui rédigent les articles. Les adultes se contentent d’aider, de trier, de corriger l’orthographe… Les enfants s’investissent aussi dans la modération du site. Ils signalent les articles plagiés aux adultes qui les retirent après vérification. Un internet responsable émerge et se construit, bien que tout ne soit pas parfait.

L’intérêt de la rédaction d’articles par des élèves sur un wiki est qu’ils découvrent les coulisses des encyclopédies collaboratives. Ils ignorent en effet que ces articles proposent une page « discussion » sur laquelle apparaissent parfois de vrais débats entre les rédacteurs d’un même article. Sur cette page, ceux-ci expriment d’éventuels désaccords et s’opposent des sources que l’on peut consulter pour se faire sa propre opinion. Wikimini offre également cette possibilité de débattre et discuter du sujet de l’article entre contributeurs.

Il existe d’autres encyclopédies collaboratives destinés aux collégiens. On peut par exemple citer Vikidia.org. Cette encyclopédie fonctionne exactement comme sa grande sœur Wikipédia. Des élèves y rédigent des articles. Cependant, on peut regretter que nombre d’articles soient en fait rédigés pour les élèves par des enseignants ou des adultes. Son intérêt relève donc davantage de la consultation. Les élèves y trouveront une information claire et adaptée à leur niveau. Le fonctionnement du site, sans être trop complexe, l’est déjà suffisamment pour dérouter les élèves qui maîtrisent mal ou peu l’outil informatique.

On pourrait avoir l’idée de construire un wiki interne à l’établissement. Ce projet collaboratif donnerait sens aux activités liées à la recherche documentaire dans l’établissement. Il favoriserait l’interdisciplinarité et valoriserait le travail des élèves. Des générations successives consulteraient et enrichiraient le travail de leurs prédécesseurs. Ils toucheraient du doigt ce qu’est l’essence de la recherche et de la transmission du savoir. Une telle démarche met en lumière le potentiel humaniste des wikis, qui s’élaborent avec pour principes fondamentaux la solidarité et le partage, loin de la mise en compétition des élèves et de l’individualiste revendication des droits d’auteur. Moodle, E.N.T. sous licence libre, offre cette possibilité. Son installation sur un serveur, en local ou non, est par ailleurs relativement aisée.

Mathieu

Après avoir été professeur de lettres classiques pendant 11 ans, je suis devenu auteur de livres numériques en auto-édition. Par ailleurs, je publie sur ce blog des articles en lien avec l’histoire littéraire et la didactique des lettres.