La pratique du texte libre au collège responsabilise l’élève car elle l’engage dans une démarche d’expression littéraire et non de production scolaire. Il est confronté à des choix d’écrivain variés : genre, intrigue, narration… Les travaux d’expression écrite ajoutent à la complexité du maniement de la langue des contraintes textuelles et formelles. Le hors sujet menace l’élève et mobilise toute son attention. Ainsi, les élèves se lamentent de ne pas avoir d’idées ou demandent: « Monsieur, mon personnage peut faire ça ? Je peux lui donner un nom ? Il peut se passer ça ? ». Le texte libre ne s’encombre pas de ces contraintes. Il n’exige pas de thèmes, ni de formes littéraires. Il place l’élève en position d’auteur responsable, autonome et libre. Chacun aborde le sujet de son choix, comme il le souhaite. Cette liberté soudaine est déstabilisante. Il faut donc l’accompagner, discuter avec les élèves, être à l’écoute de leurs intérêts, proposer sans imposer… Il ne s’agit pas d’exiger un texte long, mais au contraire d’encourager une écriture brève et spontanée. Le premier jet doit suffire. L’élève se contentera d’en améliorer la syntaxe et l’orthographe à l’aide d’un dictionnaire.
1. Une correction coopérative
Communiquer, c’est adresser son message à un destinataire. Le texte libre doit donc sortir de la relation exclusive professeur-élève.
Correction en îlots
L’enseignant peut se contenter de souligner dans un texte les passages ou les mots qui posent problème. Les élèves, répartis en îlots, se livrent alors à une correction coopérative. Les textes sont corrigés successivement et conjointement par l’ensemble des élèves de l’îlot. Chacun fait des suggestions pour améliorer la syntaxe, tous mobilisent leurs savoirs pour améliorer l’orthographe. Ils s’approprient la langue en en parlant. La bonne orthographe n’est plus l’apanage du professeur, elle jaillit d’une concertation et d’un échange.
Correction en classe entière
Pendant la phase d’écriture, l’enseignant circule dans la salle et lit quelques textes. A la fin de l’heure, il relève cinq textes de niveau hétérogène. En réalité, un seul l’intéresse mais il faut veiller à ne pas stigmatiser les élèves.
Parmi ces textes, l’enseignant a relevé un travail qui révèle la méconnaissance d’un point de grammaire, d’orthographe ou de syntaxe. Il saisit la production à l’aide d’un traitement de texte en insérant un double interligne. Il ne corrige rien, ne transforme rien et rend ce texte après l’avoir photocopié pour les autres élèves. Il est préférable de leur préciser qu’identifier son auteur ne présente aucun intérêt. Les élèves sont ensuite chargés de corriger ce texte pour la séance suivante. Ils doivent remanier les phrases si cela est nécessaire et modifier l’orthographe lorsqu’elle est erronée.
Au cours suivant, le texte est vidéo-projeté. Pendant la première moitié de l’heure, l’enseignant effectue les modifications dictées par les élèves. On dresse ensuite un bilan des erreurs commises et on consacre la fin de la séance à un cours de grammaire ou d’orthographe. Il s’agit simplement de noter la règle. Une manière originale de faire passer vos cours consacrés à la maîtrise de la langue. Vous pouvez envisager au cours suivant de proposer des activités d’application en veillant à alterner les exercices d’identification, de transformation et de manipulation.
2. Diffuser son texte
Vient ensuite le temps de la lecture, c’est-à-dire de la présentation orale du texte écrit. Dans ma classe, elle est volontaire. Je mise sur la confiance qui s’est installée lors de la relecture coopérative. Le texte a déjà été lu par un petit comité et, si le travail initial était honnête, il n’a été ni rejeté ni moqué.
Certains élèves soumettent donc leur texte aux autres. Afin de maintenir la classe en situation d’écoute, il faut l’impliquer. Une décision sera prise après chaque lecture: publier ou non le texte dans le livre de classe?
Les élèves comprennent qu’il s’agit d’une affaire sérieuse. Publier un texte signifie le rendre potentiellement visible de tous les lecteurs qui fréquentent le C.D.I. Chaque texte est donc discuté, à l’instar d’un comité de lecture. A l’issue de ces mini-débats littéraires, un vote est proposé avec trois possibilités: publication en l’état, demande de modifications, refus de publication.
Cette activité fait pleinement toucher du doigt aux élèves les enjeux littéraires : le contenu du texte est-il susceptible d’intéresser des lecteurs? Le texte est-il compréhensible ? Original ? L’intrigue est-elle cohérente ? Les débats peuvent être riches et donner lieu à de véritables réflexions littéraires, qui vont parfois plus loin que celles qu’on aurait pu mener lors d’une lecture analytique. En effet, ce n’est pas seulement la réception du texte qui est interrogée mais le processus de création.
Pendant ces discussions, le rôle de l’enseignant est primordial. Il doit parfois s’effacer pour laisser les élèves se répondre. Un secrétaire se charge de distribuer la parole. Mais l’enseignant aussi doit pouvoir demander la parole pour relancer le débat ou pour approfondir une réflexion en suggérant des analogies avec des textes étudiés en classe. Il doit en outre veiller à ce que la critique ne devienne pas un lynchage collectif.
3. C’est personnel…
En grandissant, les collégiens peuvent devenir plus pudiques. On voit alors apparaître des réticences. Certains le formulent ainsi: « Monsieur, lorsque j’écris des textes, c’est personnel… je n’ai pas envie de lire mon texte devant tout le monde, surtout que je vais les voir tous les jours. »
Ce blocage des élèves ne doit pas nous faire baisser les bras. Au contraire, il faut y voir l’occasion d’organiser une réflexion sur la littérature. Les écrivains ne nous font-ils pas eux aussi entrer dans leur intimité? Ces textes où se dévoile l’intimité des sentiments ne sont-ils pas ceux qui nous touchent le plus profondément? L’intérêt littéraire ne réside-t-il pas dans cet état de communion, d’identification, entre un auteur et ses lecteurs? Existe-t-il une manière d’exprimer des sentiments intimes tout en conservant l’intégrité de sa propre intimité?
Montaigne ne nous a-t-il pas appris que « tout homme porte en lui la forme entière de l’humaine condition »?
Une autre stratégie peut être de proposer aux élèves réticents des textes-réponses. Il s’agit, lors de la relecture, d’agrafer à la copie un texte écrit par un auteur « classique » qui fasse écho à celui de l’élève.
Mathieu
Après avoir été professeur de lettres classiques pendant 11 ans, je suis devenu auteur de livres numériques en auto-édition. Par ailleurs, je publie sur ce blog des articles en lien avec l’histoire littéraire et la didactique des lettres.