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En classe de sixième, nous devons enseigner le conte à travers le prisme de la figure du monstre. Le merveilleux sera quant à lui abordé plus en profondeur en cinquième. L’intitulé « Le monstre, aux limites de l’humain » semble ainsi réduire considérablement le corpus des textes.  Cette formulation ampoulée en a fait rire plus d’un lors des réunions pédagogiques. Il faut dire que cette problématique littéraire résonne comme un sujet de dissertation digne de l’Université ! Le décalage est grand quand on songe à nos élèves encore malhabiles. Comment donc, et pourquoi, aborder cette question pointue avec nos jeunes lecteurs ?

1. Un patrimoine universel à visée didactique

Les contes  se transmettent de génération en génération. Ces histoires connaissent des variantes locales et on les raconte aux enfants partout dans le monde. Ils auraient la vertu de divertir et d’instruire. En effet, sous une forme plaisante, ils aident les enfants à grandir en leur permettant d’explorer leurs angoisses et leurs peurs.

Les thématiques abordées, au premier plan ou en fond, sont souvent lourdes : la mort, la maladie, la pauvreté, l’abandon… On pense, bien entendu, à Peau d’Âne confrontée à l’inceste. Mais la plupart des contes mettent en scène des personnages qui s’engagent dans des parcours initiatiques. Les princesses quittent leurs parents et traversent de difficiles épreuves avant de trouver l’amour. Le Petit Poucet devra faire preuve d’autonomie avant de revenir chez lui.

Le conte montre aux enfants que grandir est difficile. Le dénouement-même est incertain. Le Petit Chaperon rouge, insouciante, ne finit-elle pas dévorée par le loup ?

Le Petit Chaperon rouge, ignorante des choses de la vie, rencontre le loup.

2. La portée allégorique du monstre

Dans un conte, le bien se confronte au mal. Cette dimension morale apparaît par exemple explicitement dans les contes de Perrault qui comportent des « moralités », parfois amorales d’ailleurs…

Le personnage principal du conte incarne généralement le bien. Il porte des valeurs louables : le courage, l’amitié, l’honnêteté… Face à lui, des monstres !

Ceux-ci, cruels et manipulateurs, incarnent le mal. Ils évoluent dans des lieux dangereux qu’on interdit aux enfants d’explorer seuls : forêts, marais, grottes… Les ogres, les loups et les sorcières sont l’incarnation des dangers qui guettent les enfants. Ils appartiennent au monde des adultes et représentent la violence, la sexualité ou bien encore le mensonge.

La Barbe Bleue laissant à son épouse la clé du cabinet interdit.

3. Anthropomorphisme des monstres

Il est à noter que les monstres des contes sont anthropomorphes. Même les animaux, par l’opération de la personnification, prennent la parole.

L’humain se cache en eux. Ainsi, l’ogre du Petit Poucet est aussi un père attentionné. Cependant, le conte utilise le merveilleux pour mettre à distance la face obscure de l’humanité. Il suffit parfois d’une barbe bleue pour rendre le récit de la violence conjugale d’un mari sanguinaire plus supportable et adapté aux jeunes oreilles.

4. Interroger la monstruosité

On le voit, la notion de monstre regroupe une typologie large de personnages. Il est donc possible d’intégrer presque tous les contes à notre corpus. Les différentes séances de lecture analytique permettront ensuite aux élèves d’interroger la monstruosité.

On attirera leur attention sur le fait que l’apparence ne fait pas le monstre. C’est bien la dimension morale et l’association avec le mal qui le définissent.

L’étude de la définition de ce mot dans différents dictionnaires sera un excellent lancement de séquence. Cette activité provoquera assurément un débat fécond dans la classe.

Par ailleurs, on travaillera et exploitera le vocabulaire de la peur, notamment en expression écrite. Vous pouvez par exemple demander aux élèves d’écrire des portraits de monstres. Et les inviter à joindre une illustration qu’ils dessineront eux-mêmes ! Vous pourrez ensuite regrouper ces écrits dans un recueil.

Mathieu

Après avoir été professeur de lettres classiques pendant 11 ans, je suis devenu auteur de livres numériques en auto-édition. Par ailleurs, je publie sur ce blog des articles en lien avec l’histoire littéraire et la didactique des lettres.