Au début de l’année, je propose à mes élèves de 4ème une séquence sur la nouvelle réaliste. Elle s’appuie principalement sur l’étude de La parure. La lecture intégrale de cette œuvre de Guy de Maupassant est idéale pour permettre aux élèves d’appréhender les caractéristiques de ce genre littéraire, notamment grâce à sa célèbre chute. Par ailleurs, cette séquence s’inscrit dans le thème « la fiction pour interroger le réel ». Après avoir étudié, au cours des années précédentes, des récits qui ont recours au merveilleux et de nombreux textes fondateurs de notre littérature, les élèves de quatrième sont donc invités à interroger le rapport entre fiction et réalité. Il s’agit pour eux de prendre conscience de la distinction entre réalisme et réel.

1. Une définition du réalisme
Lorsque je construis mes séquences, j’aime utiliser l’histoire des arts comme séance de lancement. On sait que pour certains élèves la langue écrite constitue une barrière. Il semble dès lors opportun de passer par l’image pour ancrer des concepts théoriques.
Ainsi, je présente aux élèves des tableaux classiques et néo-classiques que nous commentons. Je leur raconte, si besoin est, les épisodes mythologiques, bibliques ou historiques correspondants. Cela capte leur attention : c’est la magie des récits fondateurs…
Puis, nous observons et décrivons des tableaux réalistes, avant de les comparer aux peintures classiques. J’indique aux élèves que ce courant artistique est appelé « réalisme » et je leur demande pourquoi. Immédiatement, ils me répondent que dans ces tableaux les scènes représentées sont réelles.
Un enterrement à Ornans (Gustave Courbet, 1850) est considéré comme une œuvre manifeste du réalisme.
Je leur fais alors part de ma stupéfaction et leur demande si Le sacre de Napoléon de Jacques-Louis David renvoie à une scène fictive. On creuse donc la réflexion jusqu’à établir que le réalisme s’intéresse à la vie quotidienne des classes sociales que la peinture classique avait délaissées.
2. Mme Loisel, comprendre le personnage principal de La parure
Nous nous plongeons ensuite dans la lecture de la nouvelle réaliste de Maupassant. À chaque séance, nous découvrons ensemble un nouvel épisode.
À chaque fois, j’invite les élèves à réagir et commenter l’attitude de Mme Loisel. Que pensent-ils de son comportement ? Que ressent-elle ? Cela semble-t-il justifié ? Qu’en pense le narrateur ?
Les élèves entrent dans le texte et apprennent qu’une lecture fine est nécessaire pour justifier son propos. Ils constatent que Mme Loisel a une personnalité complexe, que ses émotions et ses sentiments varient d’un paragraphe à l’autre. Certains la condamnent, d’autres la défendent ou du moins tentent de lui trouver des excuses. Tous plaignent le pauvre M. Loisel…
Ils s’interrogent sur le rôle de ce narrateur qui ne les aide pas. Il semble en empathie avec son héroïne et la seconde d’après lui lance une pique acérée. On aborde ainsi la question de la focalisation narrative, ou plus prosaïquement du point de vue du narrateur. Les élèves comprennent alors l’effet que peut produire l’utilisation d’un narrateur interne dans un récit à la troisième personne.
Enfin, vient la chute.
Les élèves s’aperçoivent alors que tout ce récit n’est que fiction, une savante orchestration qui vise à délivrer un message. Ce n’est pas vraiment une morale comme celles qu’ils ont pu lire dans les contes et les fables. Mais cela oblige le lecteur à reconsidérer l’intrigue et à réfléchir.
3. Une nouvelle pour débattre
Le gobe-mouches, Honoré Daumier, 1837-
1838, Musée Carnavalet, Paris
Réfléchissons donc ! On lit une autre nouvelle : Une victime de la réclame d’Émile Zola. Puis on organise un débat autour de notre propre rapport à la publicité. Cela permet d’actualiser le message de Zola. Et les élèves constatent que ce texte qui a 150 ans est toujours aussi pertinent !
Pour certains d’entre eux, l’exercice est nouveau. Je leur demande de réfléchir en binômes pour trouver des arguments et des exemples. C’est un premier pas vers le DNB et le sujet de réflexion. C’est valorisant, ils deviennent des grands !
Ils puisent dans leurs expériences personnelles : les pièges de la publicité déguisée sur les réseaux sociaux, les annonces mensongères sur les plateformes de e-commerce, la réclame audiovisuelle… Souvent, ils ont des exemples mais peinent à formuler l’argument qui est derrière. C’est là que j’interviens. J’évite de leur donner la réponse, je les questionne plutôt.
À la fin de la séance, nous mettons tous ces arguments et ces exemples en commun au tableau. Beaucoup racontent des anecdotes amusantes, on rit.
4. De la nouvelle réaliste à la nouvelle fantastique
Pour terminer cette séquence, nous élargissons encore notre réflexion sur l’utilisation d’éléments réalistes dans la fiction. Nous lisons pour cela une nouvelle fantastique : La disparition d’Honoré Subrac de Guillaume Apollinaire.
Cette fois-ci, c’est évident : ce n’est pas un récit réaliste ! Pourtant, les élèves constatent que le cadre l’est. Tout, autour du personnage principal, est réaliste sauf l’événement fantastique dont il est le témoin.
5. Utiliser l’outil numérique pour écrire une nouvelle réaliste
Je profite de cette séquence pour apprendre aux élèves à utiliser un logiciel de traitement de texte. Trop souvent, les élèves maîtrisent les applications de loisir mais ignorent les fonctionnalités des logiciels dédiés au travail. Il en résulte que leur saisie des textes est anarchique. Par exemple, au lieu d’utiliser la règle pour mettre en forme leurs paragraphes, ils tapent frénétiquement sur la barre espace ! Certains utilisent d’ailleurs cette technique pour centrer leurs titres… Tout est relatif !
Je leur distribue donc un tutoriel qu’ils s’approprient en pratiquant.
Je demande d’abord aux élèves de créer la couverture d’une des trois nouvelles que nous avons étudiées. J’en profite pour leur faire découvrir des banques d’images libres de droits. Pour accomplir cette tâche, ils doivent effectuer une recherche et élaborer une brève biographie de l’auteur mais aussi résumer la nouvelle choisie. Cela permet ainsi d’évaluer la compréhension de ces récits par les élèves.
Un second projet est ensuite proposé à la classe. Les élèves, répartis en groupes, doivent écrire en coopérant une nouvelle réaliste ou fantastique. Ils en construisent le plan, la rédigent et la dotent d’une couverture. Pendant une à deux semaines, la classe fonctionne donc en autonomie, ou presque. Je passe de groupe en groupe, aide, conseille, fait réfléchir, donne des pistes… L’élaboration du plan de l’intrigue est un moment particulièrement riche sur le plan didactique car les élèves s’approprient les connaissances transmises lors des séances précédentes. Cet exercice les oblige à s’approprier ce qui fait l’essence du réalisme et du fantastique.
Les élèves réinvestissent également les points de langue étudiés au cours de la séquence : les discours direct et indirect, la présentation d’un dialogue, la conjugaison et les valeurs des temps du récit…
Mathieu
Après avoir été professeur de lettres classiques pendant 11 ans, je suis devenu auteur de ressources didactiques en auto-édition. Par ailleurs, je publie sur ce blog des articles en lien avec la pédagogie et la didactique des lettres.